Le travail est un trésor

Le mot travail désigne une activité par laquelle l’homme satisfait ses besoins.
C’est une action qui se traduit par la réalisation, la production, la création de quelque chose et qui peut être professionnelle ou non.
Notre société étant ainsi organisée, le principe de réalité nous suggère d’exercer une profession qui nous permette de vivre et donc d’être rémunéré.

Aborder la question du travail en se limitant à son étymologie latine (incertaine) nous amènerait à l’envisager négativement. En effet, l’origine du mot travail, viendrait du latin tripalium, trois pieux, instrument de torture, ce qui n’est évidemment, guère réjouissant. Il y a 2 500 ans, le point de vue du philosophe chinois Confucius (551 av. J.-C – 479 av. J.-C) offrait une perspective plus prometteuse : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. »
La proposition de Confucius nous invite à nous responsabiliser. Pour parvenir à réaliser ce choix et cet idéal, quelques étapes sont nécessaires.

La question du sens

La phrase « Je veux un travail qui a du sens » exprime un désir, une volonté légitime qui n’appartient pas à l’homme moderne. Elle n’est pas le propre de la génération actuelle mais il est vrai que cette quête de sens est exacerbée par un monde où, en l’espace d’une génération, tout s’est accéléré éperdument et de façon parfois insensée.

Un monde ou progressivement l’homme s’est éloigné de sa nature profonde jusqu’à en oublier sa propre raison d’être. Un monde où les pressions anthropiques sont parvenues à dérégler le climat, à menacer la biodiversité et à mettre en péril l’humanité elle-même. Un monde ou la dictature de l’immédiateté accélère le stress, l’anxiété. Un monde à bout de souffle, qui le temps d’un confinement a repris une brève respiration. Un sévère avertissement qui nous a rappelé notre vulnérabilité, nous a remis un peu à notre place et nous invite à réfléchir.

Pour certaines personnes, l’expression « je veux un travail qui a du sens » est ainsi devenue une façon de signifier le refus de ce monde dans lequel nous vivons. Un cri d’alerte, une alarme. Elle marque le désir de ne plus subir, de ne plus détruire mais de contribuer. Elle objective pour d’autres l’urgence de se réinventer, de ralentir, de se resynchroniser aux cycles naturels.

Et la crise que nous venons de traverser à fait érupter ce sentiment qui grondait depuis longtemps.

Cependant, si la quête de sens est justifiée, et si elle peut être guidée, éclairée, par un conseiller, un mentor, un proche, sa résolution appartient en premier lieu à celui ou celle qui l’exprime.

Cette aspiration sonne le démarrage d’un travail personnel mais ne doit en aucun cas devenir une injonction envers autrui. Et il serait inadapté, voire utopique, d’adopter une posture attentiste et d’espérer que la Société, l’Etat, l’Entreprise, ou n’importe qui, vienne fournir la réponse à sa propre ambition.

Point de révélation, auteurs, fabulistes, philosophes, écrivains, sont nombreux à l’enseigner depuis des millénaires. Ce qui fait sens pour moi, relève de la connaissance de soi.

  • Aristote (384 av. J.-C. – 322 av. J.-C.) : « Se connaitre est le début de toute sagesse »
  • Socrate (470 av J.-C – 399 avant J.-C.) : « Connais-toi toi-même »
  • Jean de La Fontaine (1621 – 1695) « Qui mieux que vous sait vos besoins ? Apprendre à se connaître est le premier des soins ».
  • Pierre Corneille (1621 – 1684) « Apprends à te connaître, et descends-en toi-même. »

A chacun donc, d’explorer sa voie et d’y trouver ses réponses. Alors que nous arrivons au monde, incompétent et ignorant de tout, cette réflexion infinie nous offre une nouvelle naissance, celle de notre raison d’être. En ce sens La connaissance de soi, est un travail merveilleux puisqu’il nous offre la perspective de nous réaliser, à l’inverse, rester dans l’ignorance alimente les souffrances.

Expérimenter, chercher, être acteur dans cette quête de sens pour envisager de s’engager dans un travail qui nous plaise. Juste équilibre et rencontre entre ses compétences, ce que l’on aime faire, et les besoins de la société.

Il est inenvisageable d’attendre de l’Entreprise de nous fournir la réponse à nos questions existentielles. Insensé de penser que c’est son rôle de nous permettre de trouver un sens à notre vie.

Chacun dispose d’un talent, d’une richesse qu’il découvrira et choisira de fructifier comme le rappelle la parabole des talents. Si le talent est une monnaie antique, c’est également la richesse de notre personne qui fait de nous un être singulier, unique et que nous devons découvrir puis développer.

Se réajuster, se réaligner

La maison, l’école, les loisirs sont les premiers lieux d’apprentissage, de découverte de soi.
Les différentes expériences que nous rencontrons tout au long de notre vie, l’altérité, les événements que nous traversons nous permettent d’affiner cette connaissance et de nous construire.

Il conviendrait dans un second temps, de ne pas réduire notre travail à son simple exercice mais d’en observer le fruit. De s’intéresser à son utilité finale et à la satisfaction qu’il produit plus qu’à l’action en elle-même. J’œuvre pour qui ? Pourquoi ? Pour quoi ?
Que me procure mon travail ? Que m’apporte-il ? Pourquoi est-ce que je l’aime ou pas ? Quelles valeurs me permet-il d’incarner ? A quelle mission contribue-t-il ?

Lors de la crise du COVID 19 que nous venons de traverser, ce qui a rendu le travail des caissiers et caissières valorisant, ce n’était pas tant leur travail que leur présence à leur travail. C’est leur engagement qui faisait sens. La crise a rappelé à tous, la valeur de ce maillon. Et il a pris un visage héroïque parce que c’était des hommes et des femmes qui s’exposaient et non des caisses automatiques.

Dans cette période de souffrance, de distanciation sociale combien ont apprécié de voir un sourire plutôt qu’une machine ?
Et dans le cas de ces professions, plus ou moins médiatisées, qui ont continué de travailler, la réponse à la question du sens se traduit dans l’incarnation des valeurs : courage, solidarité, service, etc.

Cela est vrai également hors crise. Lorsqu’une infirmière intervient auprès de personnes âgées ou non, pour pratiquer des soins de propreté, de santé, c’est son humanisme, sa générosité qui la porte au quotidien, mais ce n’est certainement pas le plaisir de préparer un pilulier ou de changer des couches ou un pansement.

Le travail que l’on pratique est au service de la mission de vie que l’on s’est fixée, ce qu’a très bien formalisé le chercheur et consultant américain Robert Dilts à travers sa pyramide des niveaux logiques.

Lorsque nous ne nous sentons plus alignés entre ce que nous pensons, ce que nous ressentons et ce que nous faisons, il est nécessaire de se poser pour y voir plus clair. Qu’est ce qui est à l’origine de ce sentiment ?

Est-ce mon travail ? Mon environnement ? mon entreprise ? une personne de mon entourage ?

Un déséquilibre dans mes activités ? une organisation défaillante ? Qu’est ce qui a changé ?

L’éthologue et anthropologue britannique, Jane Goodall (1934) nous invite à garder le cap de notre vie : « Laissez-vous guider par votre rêve, même si vous devez momentanément le mettre de côté pour trouver un emploi ou payer votre loyer. Et restez toujours ouvert aux opportunités de sortir du cadre pour mener la vie et faire les choses qui vous inspirent profondément… »

Trouver sa place et exercer son travail dans le cadre qui nous convient

L’entreprise agricole, industrielle, commerciale répond également à un besoin en fournissant un service ou un produit. C’est de sa responsabilité d’expliquer à ses salariés et au monde extérieur sa contribution, sa mission, le célèbre Why popularisé par le conférencier britannique Simon Sinek.

Dans sa récente déclaration le P.D.G de Danone, Emmanuel Faber, franchit un nouveau cap, renouant ainsi avec les valeurs de son fondateur Antoine Riboud. Danone devient la première entreprise française côtée à devenir « entreprise à mission » et à ne pas viser la seule performance économique ou rentabilité. Désormais la mission du groupe Danone est : « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ».

Intégrer des valeurs humaines dans l’entreprise n’est pas une nouveauté, de nombreuses entreprises notamment familiales, souvent discrètes le font très bien depuis longtemps. Le dernier livre de Isaac Getz et Laurent Marbacher intitulé « l’entreprise altruiste » et sorti en octobre 2019 les consacrent. Ce sont de nombreux exemples d’entreprises performantes ou la réussite économique coexiste avec le bien commun.

(Pour relire l’interview de Laurent Marbacher par ERM Conseil cliquer ici)

Dans ces entreprises, les auteurs relèvent un sentiment d’appartenance fort, un turnover faible, une fierté assumée par les salariés. Leur travail fait sens parce que les valeurs exprimées par leur entreprise et leur(s) dirigeant(s), et relayées par les managers, résonnent en eux et se traduisent par des actes concrets envers l’ensemble de l’écosystème. Il y a une convergence d’intérêts communs, de vision.

Au-delà du devoir de nous responsabiliser, Confucius nous rappelle notre liberté de choix.

Liberté de travailler à son compte, de créer son entreprise ou de rejoindre une entreprise existante. Liberté d’exercer un travail source d’épanouissement et de richesses multiples.

Heureuse perspective qui devrait redonner au travail sa noble valeur.

Blandine Mantelin – Dirigeante d’ERM Conseil

ERM CONSEIL – 112 rue Dragon – 13006 Marseille – France